La construction d’un complexe résidentiel au décor néo-victorien destiné aux “riches hipsters” fait débat au sein de la communauté new-yorkaise.
Le hipster est né à Brooklyn, mais résistera-t-il à l’appel de Manhattan ? Deux des plus gros développeurs immobiliers de New York sont déterminés à “attirer” les plus “riches” d’entre eux. Leur appât ? 15 Renwick, un complexe “steampunk”, en référence au mouvement littéraire du même nom qui est basé sur le rétrofuturisme. Une vie de luxe, à mi-chemin entre modernité et ambiance victorienne, le tout pour un prix qui va de 2 à 7,5 millions de dollars.
“Les personnages du 15 Renwick rendent hommage à l’ère victorienne, époque à laquelle l’homme qui a donné son nom à cette rue, James Renwick, a vécu avec son fils entre 1790 et 1895. Renwick était un pionnier : écrivain, ingénieur et professeur à Columbia. Son fils était lui l’un des architectes les plus appréciés de sa génération. Les personnages incarnent aussi la créativité des résidents actuels de Hudson Square et le caractère particulier du quartier”, peut on lire sur le site en guise de présentation.
Le projet fait le buzz depuis bientôt deux mois grâce à un marketing de haut vol fondé sur des visuels léchés et un storytelling ultra chiadé. Tout a été étudié au millimètre, jusqu’au choix de la date d’ouverture des mises en vente, le 31 octobre, qui a été fêté avec une soirée déguisée. On vous laisse deviner le thème.
Les réactions des internautes sont légion, notamment sur Twitter. De la plus laconique : “New York, je ne te comprends pas” à la plus exaspérée : “Je préférerais être traîné dehors et assassiné d’une balle plutôt que de jamais mettre un pied dans ce bâtiment absurde“. Pour d’autres ce n’est pas tant le concept qui est un problème mais plutôt la déclaration du vice-président de l’entreprise IGI USA qui l’a imaginé. Dan Oelsner a en effet affirmé sans complexe s’adresser directement à une clientèle de “riches hipsters”.
NYC, I do not understand you. http://t.co/f4HXpbM1MT
— Dan Reed (@DanielReed) December 5, 2014
I would rather be dragged out and shot than EVER set foot in this absurd steampunk condo bldg. http://t.co/TPxEZt1dc9 pic.twitter.com/u47TSmvu3D
— Ryan Gorman (@GormoJourno) December 2, 2014
New steampunk apt. building in #HudsonSquare looks super-cool, buut why they gotta ruin it by saying they want “rich hipsters?” #15Renwick
— UrbanBuddy (@UrbanBuddy) December 3, 2014
Une transformation inévitable
Hudson Square est un des derniers quartiers de Manhattan qui avait jusque là échappé à la gentrification. Mais depuis plusieurs années, de nombreuses start-up ont fait le choix de s’y installer, en dépit de l’absence de commodités. “Il y a cinq ans, nous avons eu notre première pharmacie, c’était excitant“, se félicite ainsi Ellen Baer, la présidente de l’association pour le développement économique du quartier au New York Post. Il n’empêche que depuis 2009, son organisation a constaté l’arrivée de pas moins de 40 000 publicitaires, designers, journalistes et communicants. De quoi justifier la convoitise des développeurs immobiliers. D’autant plus que la situation d’Hudson Square, entre Soho, Tribeca et le West Village, est assez stratégique.
Quant à savoir si la cible visée a été atteinte, il semblerait que les hipsters soient en effet séduits par le décor, l’idée d’avoir un “majordome” disponible 24h/24, une salle de gym “à l’ancienne”, un jardin zen, un garage spécialement pour les vélos et une terrasse sur le toit. “La mise en vente n’a commencé qu’il y a un mois et les retours sont déjà impressionnants”, affirme Dan Oelsner.
Le steampunk
Le steampunk semble donc avoir encore de beaux jours devant lui. Autant inspiré de Vingt mille lieues sous les mers que de Sherlock Holmes, ce genre littéraire ou se mélange passé et futur est devenu synonyme d’une atmosphère qu’essaye de retranscrire la décoration présentée sur les plans de Renwick15. Le mélange auquel cela a abouti est pour le moins éclectique. Les fauteuils “crapauds” sur lesquels sont assis les personnages sont très second Empire quand leurs costumes, eux, sont XVIIe. La table basse et les autres chaises sont XXe. Tout cela n’est au mieux victorien que dans l’idée de confort que cela représente. L’important n’est pas la précision mais l’évocation, l’idée étant de fantasmer sur tous les aspects positifs et mystérieux de plusieurs époques révolues, tout en ayant accès au confort ultime de la modernité et du grand standing.
Le commentaire de Shane Ferro pour Business Insider résume assez bien l’idée générale :
“Il n’y a jamais eu de signe plus clair que le New York du XXIe siècle n’est rien d’autre qu’un parc d’attraction pour les plus riches du monde et leur progéniture. La ville a cessé d’être un réel lieu de vie pour le reste d’entre nous.”
r Sophie Janinet