New York sou l’eau c’est ici
Sébastien Tanguay
22 juin 2022
texte est tiré du Courrier de la planète du 21 juin. Pour vous abonner, cliquez ici.
La montée des eaux s’accélère, accentuée par le réchauffement planétaire. Si cette tendance se maintient, se demande Sophie Lallemand, à quel moment New York se retrouvera-t-elle sous l’eau ?
Ce n’est pas demain qu’il faudra enfiler palmes et bonbonne d’oxygène pour visiter l’Empire State Building ou que les eaux de l’Upper Bay submergeront la torche brandie par la statue de la Liberté. Les scientifiques estiment que les glaciers et les banquises renferment suffisamment d’eau pour élever le niveau global des océans d’environ 70 m ; l’observatoire du One World Trade Center, qui culmine à 386 m d’altitude, va donc demeurer au sec encore longtemps.
Par contre, le taureau de Wall Street, lui, pourrait se retrouver les pattes à l’eau en l’espace d’une seule génération. Le visage de la ville pourrait, en fait, se transformer radicalement et surtout, rapidement — dès l’horizon 2050, selon plusieurs rapports.
C’est que New York, bâtie à l’endroit où la rivière Hudson et l’East River se jettent dans l’Atlantique, est une des villes les plus vulnérables du monde à la montée des eaux. Son littoral s’étale sur 837 km et des millions de New-Yorkais s’entassent sur des berges menacées de submersion au cours des prochains siècles.
Montée accélérée
Selon les projections les plus pessimistes du Department of Environmental Conservation de l’État de New York, le niveau de l’eau autour de la Grosse Pomme pourrait monter de 76 cm d’ici aux années 2050, de 147 cm d’ici aux années 2080 et de 190 cm au tournant de 2100.
Les eaux, explique la NASA, montent à une vitesse jamais vue au cours des 2500 dernières années. L’humanité, en vertu de l’accord de Paris, tente de limiter les dégâts en plafonnant le réchauffement à 1,5 °C par rapport au niveau préindustriel. Même en atteignant cet objectif décidé à la COP21, les projections montrent que New York pourrait subir d’importants contrecoups dans un horizon allant de 200 à 2000 ans.
Plusieurs outils de visualisation permettent de mesurer l’impact de la montée des eaux sur les villes riveraines. Une hausse de 1,5 °C mènerait à la disparition du parc Battery, situé à la pointe méridionale de Manhattan. L’eau commencerait aussi à gruger certains quartiers comme Tribeca, Soho, Hudson Yards, Chelsea et Brooklyn.
Si l’humanité ne change pas sa course, le réchauffement atteindra plutôt 2,7 °C d’ici 2100, selon le plus récent rapport du GIEC. Ce réchauffement aurait des conséquences considérables pour New York, qui perdrait à la mer une partie importante de son territoire. Coney Island se retrouverait presque entièrement submergée, et seule la sculpture de La liberté éclairant le monde surgirait d’Ellis Island, complètement recouverte d’eau elle aussi.
Une carte conçue par Google et fondée sur les données de Climate Central illustre l’ampleur des inondations à venir.
Ville vulnérable
Bien que l’avènement de ces scénarios semble encore lointain, New York demeure vulnérable à court terme à des cataclysmes climatiques. Avec la montée actuelle des eaux et du réchauffement prévu de la planète, des ouragans comme Sandy, qui a balayé New York en 2012, tuant 44 personnes, privant deux millions de New-Yorkais d’électricité et causant pour près de 30 milliards de dollars de dommages, surviendront à une fréquence accrue.
Présentement, une onde de tempête comme celle soulevée par Sandy risque de se produire une fois tous les 100 ans. Au rythme actuel, le risque sera d’une fois tous les 10 ans en 2050.
New York se prépare, par ailleurs, à affronter les changements climatiques à venir. Son plan de « résilience urbaine », doté d’un budget de 26 milliards de dollars, prévoit la surélévation de certains parcs et l’érection de murs pour contrer les marées montantes. Le corps des ingénieurs de l’armée américaine, qui a le mandat d’explorer différentes solutions pour parer New York à affronter la montée des eaux, évoquait aussi l’édification d’une digue longue de 10 km, au coût mirobolant de 150 milliards de dollars.
L’ancien président Donald Trump, lorsqu’il a pris connaissance du projet, l’a tourné en dérision sur les réseaux sociaux. Le magnat de l’hôtellerie et de la controverse avait plutôt invité les New-Yorkais à « préparer leur moppe et leur chaudière » pour éviter de payer un projet qu’il jugeait « trop cher » et « inutile ».