By Caroline Hauer At novembre 09, 2020 0
En 2003, Paolo Cognetti a vingt-cinq ans lorsqu’il se rend à New York pour la première fois. Le coup de foudre est immédiat. Il a l’éclat des belles évidences. Attiré tout d’abord par les quartiers emblématiques retiennent, il se prend rapidement d’affection pour les lieux empreints l’histoire, parfois abandonnés, les anciennes zones industrielles, les usines désaffectées, les terrains vagues. Jusqu’en 2006, il multiplie les séjours professionnels dans la Grosse Pomme en tant que réalisateur d’une série documentaire au sujet de la littérature américaine. Puis happé par sa passion naissante, il ne cessera de revenir arpenter les rues de la ville, crayons et carnets en poche. Publiés en 2010 en Italie sous le titre « New York è una finestra senza tende » aux éditions Laterza, ces récits d’escales à la rencontre de la cité l’entraînent sur les pas de ses auteurs fétiches. Les textes de ses flâneries sont ponctués de nombreuses citations puisées dans leurs œuvres.
Paolo Cognetti se glisse dans l’ombre de ses maîtres en littérature, Walt Whitman, Herman Melville, Truman Capote, J-D Salinger, Jack Kerouac mais également les contemporains comme Colson Whitehead. Par association, il découvre le Manhattan des gratte-ciels, le Brooklyn des écrivains, le Queens, les rives de l’Hudson et de l’East River. Il se penche particulièrement sur les quartiers populaires où les vagues successives d’immigration ont formé des creusets de civilisations. Au fil de ses promenades, Paolo Cognetti acquiert une connaissance intime de la ville qu’il fait matière littéraire. Il capte la poésie de cette mégalopole, saisit au vol les facettes méconnues, scruter l’évolution des endroits devenus familiers, s’interroge sur leur passé, leur devenir.
Né à Milan en 1979, Paolo Cognetti, auteur de recueils de nouvelles, d’un récit de voyage, était plutôt connu pour son goût de la solitude et son attrait pour les hauts sommets, l’Himalaya, Metan, Val d’Aoste. « Les Huit Montagnes » son premier roman est lauréat du prix Médicis étranger 2017, prix François Sommer et Premio Strega l’équivalent du prix Goncourt en Italie. Dans ces « Carnets de New York », l’élégance d’une plume alerte, poétique, s’associe au récit intimiste. Cicérone inspiré, il traduit en mots la fascination qu’il éprouve pour la ville. Il nous parle de chaleur humaine par le biais d’anecdotes amusantes, touchantes, révélant un sens de l’observation aigu. La sobriété de son écriture ciselée, style alerte et précis, rend compte des contrastes d’une cité si dépaysante vu d’Europe, variations nuancées qui célèbrent l’altérité, volupté de la langue, richesse des descriptions. Au gré de ses randonnées urbaines, il a dessiné neuf cartes pour illustrer son propos et incarner sa géographie très personnelle de cette ville.
Depuis le Ozzie’s Coffe Shop où il écrit, Paolo Cognetti embrasse la fantaisie d’une New York polymorphe, véritable kaléidoscope multiculturel. Il arpenter les rues de la ville qui ne dort jamais pour nous conter les liens noués, il a un faible pour les anti-conformistes, les rencontres inattendues. Les nouveaux amis se comptent parmi la diaspora italo-américaine comme Bob son logeur, qui a appris l’italien dans les livres d’Alberto Moravia et les chansons de Jimmy Fontana sans jamais avoir visité la terre de ses ancêtres. Les jeudis sont dédiés à la pizza. Les traditions américaines parfois le laissent sur le carreau, comme le loupé d’un Thanksgiving fêté en solitaire ou bien lui font vivre la carte postale tel ce compte à rebours de la nouvelle année à Times Square. C’est un bonheur rare de suivre Paolo Cognetti dans ses virées.
Carnets de New York Paolo Cognetti – Editions Stock Collection La Cosmopolite