C’est le magazine Challenge qui le dit.
Tant pis pour moi, je n’ai pas investi au bon moment…
Chinois, Russes, Suisses, Qatariens, et même Français: sous la pression des investisseurs étrangers, les prix de l’immobilier de prestige atteignent de nouveaux sommets à Manhattan.
Dix étages au-dessus de l’Hudson, sur Riverside Drive, l’ancien triplex construit en 1908 pour le magnat de la presse W.R. Citizen Kane Hearst, un 650 mètres carrés avec 1.000 mètres carrés de terrasses dominant le fleuve, accueille des visiteurs. Son propriétaire actuel, un collectionneur d’art, le met en vente pour 24 millions de dollars… Au-dessus de Central Park, aux 18e et 19e étages du Plaza, le styliste Tommy Hilfiger espère tirer 75 millions de son superbe duplex de plus de 500 mètres carrés – dont l’heureux acheteur devra s’acquitter en outre chaque mois de 20.000 dollars de charges et taxes diverses.
A Manhattan, le marché de l’immobilier de luxe – à partir de 5 millions de dollars – et de l’ultraluxe – à partir de 15 millions – est en effervescence. Selon Charlie Attias, broker du réseau new-yorkais Corcoran, « l’année dernière, 708 ventes ont été conclues entre 5 et 15 millions de dollars, et 122 ventes au-delà de 15 millions. Depuis janvier, ce sont 373 ventes qui se sont déjà signées entre 5 et 15 millions, et leur nombre atteint 86 au-delà de 15 millions de dollars, soit 40% de plus ».
Entre 8 et 50 millions de dollars
Les crises passent et la pierre de prestige de Manhattan résiste. Après les attentats du 11 septembre 2001, le marché avait vite rebondi et grimpé jusqu’en 2004, avant de se calmer. Si la crise des subprimes a logiquement fait son effet de 2009 à 2011, « depuis l’été 2012, les investisseurs ont repris confiance dans l’économie américaine, et aujourd’hui, l’activité et les prix explosent, notamment en raison du regain de la demande internationale », remarque Charlie Attias. Chinois, Russes, Canadiens, Suisses, Mexicains, Brésiliens, Monégasques, Qatariens investissent entre 8 et 50 millions de dollars pour s’offrir un joyau de pierre dans la Grosse Pomme.
Mais pas n’importe lequel : « Ils veulent des étages élevés, une vue panoramique sur Central Park, les rivières ou les tours de Manhattan, et des intérieurs modernes ou rénovés, et pour les immeubles d’avant-guerre, un cachet et une histoire. » Pied-à-terre, investissements patrimoniaux, placements locatifs, tous les usages sont répertoriés.
Les acquéreurs français ne sont pas en reste, qui déboursent entre 2 et 10 millions. La fièvre du luxe touche aussi bien les condos, copropriétés classiques, que les coops, ces immeubles jalousement gardés par les vieilles familles new-yorkaises, où il faut montrer patte blanche pour devenir propriétaire. Ou encore les villas des Hamptons, le Deauville des riches New-Yorkais, où la propriété de Vince Camuto, cofondateur de Nine West, 2.000 mètres carrés sur 6 hectares en bord d’Océan, est en vente à 85 millions de dollars.
Skyscrapers au sommet
Mais ce sont les skyscrapers, ces nouveaux gratte-ciel de plus en plus hauts et racés, qui captent les budgets les plus importants. En attendant le 432 Park Avenue, bientôt achevé, qui culminera à 425 mètres, c’est dans la tour One57, dessinée par la star française Christian de Portzamparc, que les deux ventes record de Manhattan ont été enregistrées : 91,5 millions de dollars pour un appartement vendu à Bill Ackman, le fondateur du hedge fund Pershing Square, et 100,4 millions de dollars pour un penthouse acquis par le Premier ministre du Qatar, à près de 300 mètres de haut.
Devant cette fièvre, certains experts, comme Miller Samuel, s’inquiètent : ils rappellent que les ventes au-delà de 3 millions ne représentent que 10% de l’activité et redoutent que les excès du luxe ne créent des turbulences pour le reste de l’immobilier classique de Manhattan, qui a aussi grimpé, à 18.000 dollars le mètre carré en moyenne.
Yves Le Grix (envoyé spécial à New York)