La serveuse revint avec le verre, ce coup-ci elle le vida d’un trait. L’alcool lui brûla le palais. Elle sentit une douce chaleur monter de son estomac. Elle posa le verre sur le piano, tourna la tête et vit un homme se tenir debout devant elle.
Il était de taille moyenne, plus petit qu’elle, race blanche, vêtu d’un costume de prix, sans doute fait sur mesure. Lisa baissa les yeux, les chaussures allaient de pair. Elle revint vers son visage, rien de marquant sauf une petite fossette au menton. Un aspect séduisant, l’air sûr de lui et un charme indéniable qui devait plaire aux femmes.
— Hello, lui dit-il d’une voix douce.
— Bonsoir, répondit-elle en cherchant une excuse pour s’éclipser. Ce n’était pas la première fois qu’un consommateur-spectateur attendait la fin pour venir la draguer. Parfois elle se laissait prendre au jeu, mais ce soir elle n’avait qu’une envie : retrouver son appartement, son piano et rejouer la chanson de John Lennon pour ne pas l’oublier, au cas où le papier viendrait à disparaître comme les deux fantômes.
— Vous avez une voix magnifique et un jeu aérien.
— Merci, répondit-elle en soupirant pour lui montrer que sa phrase était convenue et qu’elle l’avait entendue des centaines de fois.
— Je ne connaissais pas la première chanson que vous avez interprétée. Elle est de vous ?
Lisa hésita, ne sachant pas trop quoi répondre. Puis elle se lança dans un murmure :
— Non, elle a été écrite par un ami qui est mort il y a longtemps. Ce soir, j’ai décidé de la chanter pour la première fois afin de lui rendre hommage.
L’homme la fixa intensément, un sourire apparut sur son visage et il lâcha :
— Ainsi vous les avez vus.
— Qui ? demanda Lisa intriguée.
— Les fantômes de Manhattan.
Et il quitta le bar laissant Lisa sans voix
FIN PROVISOIRE