Manhattan Marilyn, de Philippe Laguerre
Critique de ninik
Philippe Ward est le directeur de collection des passionnantes éditions Rivière Blanche, qui livrent régulièrement nombre de romans et recueils de nouvelles fascinants. Mais c’est aussi un auteur, qui a récemment écrit Manhattan Ghost (avec son fils) et Danse avec le taureau, thriller intéressant tourné autour des corridas, dont le seul véritable reproche était d’être diablement trop court. Il publie aujourd’hui Manhattan Marilyn sous son véritable nom, Philippe Laguerre, thriller très intéressant qui s’inscrit clairement dans son univers littéraire.
Philippe Laguerre aime Manhattan, où il situe l’action de son histoire, tout comme dans son roman Manhattan Ghost, mais il a aussi aidé à publier un recueil de nouvelles chez Rivière Blanche, Dimension New-York, preuve que cette ville l’intéresse au plus haut point. Cela se ressent d’ailleurs (et par extension son intérêt pour les États-Unis) grâce à sa description de l’Amérique actuelle, le récit se plaçant en pleine manifestation pour protester contre la main-mise des riches et lobbys divers sur la société. La première fois que nous découvrons l’héroïne, d’ailleurs, elle scande violemment « nous sommes les 99% ». Philippe Laguerre parvient très bien à faire ressentir cette tension si actuelle (il suffit de voir la situation en France, en Belgique et partout ailleurs) mais nous plonge aussi dans la situation des soldats délaissés après leur retour du front, l’héroïne du roman étant une ancienne militaire, et elle rencontrera, lors de l’histoire, nombre de ses compatriotes, qui ont eu encore moins de chance qu’elle et ont fini sans domicile fixe.
Mais le récit tourne aussi autour de Marilyn Monroe, symbole fascinant qu’il arrive à rendre inoubliable lors de l’introduction la mettant en scène, ainsi que son célèbre « Happy Birthday, mister president ».
La plume de Philippe Laguerre est superbe, agréable et, à travers des chapitres courts, déploie une intrigue certes classique, mais à l’ambiance délicieuse, autour duquel tourne l’amour de la photographie (le grand-père de l’héroïne était photographe, et les photos de Marilyn Monroe qu’elle trouve chez elle sont au cœur de toute l’histoire) déjà présent dans Manhattan Ghost, mais aussi la musique. Déjà dans Danse avec le taureau, Philippe Laguerre jouait avec la musique traditionnelle pour créer son ambiance, et ici, à travers quelques chansons latino (notre soldat est métissée), l’auteur utilise la musique pour poser le cadre.
En dehors de cela, la construction est très classique. Nous avons un complot mystérieux visant à tuer l’héroïne, après qu’en se liant d’amitié avec un photographe, de surprenantes photos de Marilyn Monroe sont révélées. Poursuivie mais aidée par un milliardaire et quelques sans-abri, elle veut comprendre qui est derrière tout ça et pourquoi, et venger le photographe, assassiné.
L’histoire est plaisante, même si, quand les tenants et aboutissants commencent à être révélés, il est aisé d’anticiper la résolution. De plus, la dureté de la vie des sans-abri n’est pas assez présente. L’auteur s’attache en effet à décrire comment les soldats sont abandonnés par la société et finissent sans-abri, mais le lecteur ne ressent pas assez leur désespoir à ce stade, mais plutôt auparavant, comme si le fait que la société les ignore soit plus grave que de vivre dans la rue.
Manhattan Marilyn est un thriller très agréable, qui se lit vite. Les personnages sont certes un peu trop caricaturaux, mais les héros sont attachants, et il est facile de se plonger dans l’univers mis en scène et de se laisser porter sur la conclusion de ce sympathique complot.