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Découvrez New-York comme jamais vous ne l’avez vue, ni même imaginée, sauf peut-être en rêve. A l’instar de cette mégapole hétéroclite construite comme un patchwork multiculturel d’ethnies vivant plus ou moins en symbiose, ce recueil se veut éclectique, historique, fantastique, anticipatif, uchronique, ou tout simplement la relation de la vie quotidienne de ses habitants, de ses touristes et bien avant eux de ceux qui l’ont envahie.
Des images qui collent à nos yeux, ces gratte-ciels immenses, Central Park ou encore Harlem, foyer de la culture afro-américaine et ancien ghetto devenu un quartier bourgeois une enclave de Manhattan, le Bronx, réputé pour être le quartier le plus dangereux, Brooklyn, le Queens et Staten Island qui inspira bon nombre d’écrivain de fantastique.
Alors parmi tous ces textes, j’ai choisi de vous en présenter quelques-uns, représentatifs de la diversité du recueil.
Connaissez-vous l’origine du nom Manhattan ? C’est ce que nous révèle Philippe Lemaire dans Chronique Manna-hata. A l’origine une peuplade d’Amérindiens, alors nommés Indiens pour les raisons historiques que l’on connait, vivait dans cette île. Seulement les Hollandais s’y installèrent, s’abritant derrière des palissades et l’endroit devint Nouvelle-Amsterdam. Chogan apprend à son neveu Achak que les hommes blancs sont morts de peur, car il y aurait des morts-vivants. Il parle même d’un certain Radu Dracula et d’Alexandru Farcau, des envahisseurs venus du Pays-par-delà-la-forêt, de l’autre côté de la grande mer.
Profitons-en pour effectuer un bond en avant avec François Darnaudet qui revisite la Légende du Cavalier sans tête, un texte écrit par Washington Irving en 1819-1820. Un texte fondateur devenu sous la plume de Darnaudet Retour à Sleepy Hollow mais dont l’épilogue est étonnant puisque ancré dans la fin du vingtième siècle.
L’arrivée au port de Manhattan, le 13 juillet 1863, n’est pas celle qu’escomptaient les cousins Steph et Léo, en provenance directe de Belfast, à bord d’un cargo. Leur petit pécule s’est réduit, le capitaine s’étant montré plus exigeant quant au prix de la traversée que lors de leur embarquement. Ils désirent se rendre en Colombie Britannique, la fièvre de l’or les attirant. Mais pour se rendre au Canada, tout à l’Ouest, ce n’est pas une mince affaire, et les transports coutent chers. C’est ainsi que Steph et Léo découvrent, sous la plume de Patrick Planès cette ville en ébullition, avec ses immigrants, Irlandais, Chinois et les Noirs qui arrivent, la Nigger War, ou guerre de Sécession, les incitant à se rendre dans le Nord. La conscription requiert des jeunes hommes entre vingt et trente-cinq ans, jusqu’à quarante-cinq pour les célibataires. Mais ils découvrent également le racisme, les Américains de fraîche date vitupérant déjà contre les envahisseurs et surtout les Noirs qui leur prennent leur travail alors qu’ils sont obligés d’aller guerroyer. Brisants New-Yorkais tel est le titre de cette nouvelle qui mériterait d’être développée en roman.
Toujours dans le domaine historique, proche cette fois, Jean Mazarin nous entraîne dans une forme d’uchronie intitulée Adieu, Général. Imaginez que le Japon soit sorti vainqueur de la confrontation qui l’opposait aux USA lors de la Seconde Guerre Mondiale. Charlène est journaliste depuis cinq ans au New-York Star, un hebdomadaire. Elle doit ramener un entretien avec le général Mac Arthur, le seul grand militaire encore vivant selon son rédacteur en chef. Un chauffeur de taxi Asiate la dépose à la tour Sud du Waldorf et, munie de papiers en bonne et due forme, elle est conduite à l’appartement du général qui possède un valet, l’amiral Nimitz.
Cathy Coopman : La dogwalkeuse. Comme son titre l’indique, la protagoniste principale se fait un peu d’argent en promenant le chien d’une dame trop occupée pour le faire elle-même. Shana, irlando-parisienne, productrice de films, fait une coupure à New-York déçue par l’infidélité de son amant. Elle s’est installée dans le Queens chez un ami et ce petit boulot lui sert également de dérivatif. Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Hudson, un homme promène son chien, attrape au vol une femme qui manque s’étaler sur le bitume à cause de sa petite chienne. Les deux humains font connaissance de même que les deux canidés, mais pas de la même façon. Seulement comme le constate Mira à Mitch, qui déclare préférer la compagnie des hommes : dix femmes célibataires pour trois hommes, et sur ces trois hommes, une chance sur deux que l’un d’entre eux soit gay. Mira appelle cela de la chance, moi je dirai plutôt un risque, mais c’est elle qui voit après tout. Bon de toute façon ceci ne nous regarde pas, signalons que Mitch et Mira vont faire la connaissance de Shana. Pour la suite reportez-vous au recueil.
Jean-Marc Lofficier met en scène la magicienne Sibilla, héroïne des bande dessinées Hexagone (même éditeur) à Tribica, un quartier du bas-Manhattan, repaire d’artistes et de célébrités. D’où le titre évident de Sibilla à Tribica. Et le narrateur n’est autre que Marty Trumbull, agent immobilier, propriétaire de la meilleure agence. Enfin l’une des meilleures, selon lui. Un penthouse lui reste sur les bras à cause d’une mauvaise réputation. Les précédents locataires auraient disparus mystérieusement.
Meddy Ligner revisite un mythe new-yorkais et cinématographique dans Quand King Kong débarqua à New-York. Tocard, tel est le surnom donné à ce gamin de dix ans par son père. D’ailleurs sa mère n’est pas mieux lotie puisqu’elle a hérité de celui de la Niaise. Son mari passe son temps à la tabasser, ce qui n’est pas une démonstration d’affection. Tocard se réfugie dans la lecture de ses pulps. Jusqu’au jour où l’arrivée du Roi Kong est annoncée à bord d’un cargo. L’animal est confiné dans une cage immense et Tocard peut l’apercevoir à travers une grille. Lorsque leurs regards se croisent, il en résulte comme une télépathie et un échange de sympathie dans leur malheur.
Pierre A. Sicard nous montre dans 25Ȼ qu’un bienfait n’est jamais perdu malgré ce que peuvent penser les égoïstes, et en dépit de cette date fatidique que fut le 11 septembre 2001. Une histoire ricochet qui débute par une pomme offerte par un vieil épicier immigré à Matthew, lui-même originaire de Taïwan et devenu un ponte new-yorkais. Matthew passe à côté d’une SDF allongée et dormant sur le trottoir. Contrairement aux nouveaux riches, il lui donne un quart de dollar, seule pièce qu’il possède dans sa poche, mais la jeune paumée lui demande s’il n’aurait pas une pomme.
Avec Robert Barr, on ne quitte pas les milieux de l’argent, avec Le sorcier de Wall Street. Une histoire boomerang qui met en scène un nouveau riche prétentieux et arrogant. Il a débuté petit, est devenu très grand, mais est resté rapiat. Par exemple il ne prend pas de ticket à l’unité pour voyager à bord du Wall Street Express, mais une carte d’abonnement que tous les jours le conducteur, l’ancêtre du contrôleur, poinçonne. Un matin Jim Blades a omis de se munir de ce fameux bon de voyage et Peter McKim lui réclame un dollar. Blades furieux demande, exige même que le lendemain sa carte soit poinçonnée deux fois. Rien n’y fait, McKim se retranche derrière le règlement. Et si Blades ne veut pas s’acquitter de la modique somme, il sera débarqué manu militari en rase campagne.
Avec Entrailles Daphnis Olivier Boelens nous propose de visiter une autre facette de Big Apple, méconnue et dangereuse : ses bas-fonds. Et bas-fonds est le mot adéquat, car des individus, ceux que l’on nomme avec mépris les rebuts de la société, vivent sous terre. Et ce n’est pas franchement folichon. Une parabole sur l’avenir de la société si les riches s’engraissent de façon éhontée et les pauvres, les déshérités, obligés de se cacher pour survivre. Une histoire assez absconse, à mon avis, et qui démarque par son approche sociologique des autres nouvelles du recueil.
Christian Surieux nous emmène, dans NY Velvet plus loin dans le temps, franchissant allègrement quelques centaines de siècles alors que la Terre n’est plus qu’une immense Zone de détritus. Tout a commencé au Bronx, avec l’accumulation de déchets, puis cela s’est étendu pour tout recouvrir. Cinq gamins férus de musique, la leur, une autre musique, ont décidé avec l’aide de leur manager Vernon Sullivan, de sonder les couches entreposées les unes sur les autres, et de récupérer des sons. David Bowie, Lou Reed, des images, Andy Warhol, et leur groupe devient le New-York Velvet. Une autre façon de décliner : Toute la musique que j’aime, elle vient de là, elle vient d’la bouse…
La musique, mais également l’art photographique ont inspiré Rémi Guyard qui fait revivre Robert Mapplethorpe, le célèbre photographe portraitiste américain, et Patti Smith, qui non contente d’être la marraine du mouvement punk, s’adonne aussi bien à la musique, à la chanson, à la poésie, à la peinture et à la photographie. Une fiction librement inspirée par ces deux icones dans Parce que la nuit…
Maintenant à vous de découvrir ce monde de teinté de noirceur et merveilleux à la fois. La ville qui attirait les immigrés alors que la Statue de la Liberté n’était pas encore érigée et qui représente encore de nos jours le symbole d’un monde nouveau. Une ville véritable parc d’attraction en grandeur inhumaine et pourtant si chaleureuse, vivante, musicale, entreprise de rêves et peut-être de déceptions. Voyagez avec tous ces auteurs, sans ressentir de déception justement car la qualité et la quantité sont garanties.
Voyagez dans le temps, d’hier ou de demain. Personnellement j’ai préféré les nouvelles qui montraient New-York hier, voire même aujourd’hui, à celles de demain. Hier représentait l’espoir, l’espérance pour de nombreux immigrés, Irlandais, Italiens, Chinois, et pour les Noirs qui n’étaient plus considérés comme des esclaves, ou ne devaient plus l’être. Demain est trop incertain, trop noir, trop pessimiste.
Les jeunes plumes côtoient les vieux routiers et nous font croquer dans la Grosse Pomme, et laissez-vous tentez comme Blanche-Neige à la dégustation d’un fruit rutilant même si parfois le ver est dedans car il n’en aura que plus de goût.
Il ne manque juste que la liste des morceaux musicaux placés en introduction des textes.
TABLE DES MATIERES:
Préface de Philippe Ward qui a également écrit une introduction à chaque nouvelle en se référant à chaque fois à une chanson ayant New-York pour thème. Les traductions sont assurées par Jean-Daniel Brèque.
Daphnis Olivier Boelens : Entrailles
Philippe Lemaire : Chronique Manna-hata
Patrick Planès : Brisants New-Yorkais
François Darnaudet : Retour à Sleepy Hollow
Estelle Faye : Gardens in the Desert
Fabien Clavel : Rome n’est plus dans Rome
Romain Dasnoy : Un Télégramme pour Manhattan
Chantal Robillard : Ex
Jean-Marc Lofficier : Sibilla à Tribeca
Alize Gabaude : Grace
Roger Facon : Les Visages Voilés de Ténèbres
Olivier Deparis : Conditionnés pour survivre¶
Meddy Ligner : Quand King Kong débarqua à New York
Anne Escaffit : Mon New York, Ta Lumière
Vincent Jounieaux : Mini York
Luce Basseterre : Ceux qui sont restés
Pascal Malosse : Nocturnes
Jean Mazarin : Adieu, Général…
Maxime Tedesco : Les Rêveurs de Brooklyn Island
Arnauld Pontier : Liberty Island
Eric Boissau : Des Vers dans la Pomme
David Criscuolo : Station Fantôme
Catherine Rabier : Skyline
Christian Surieux : NY Velvet
Robert Barr : Le Sorcier de Wall Street
Robert Barr : Opération Boursière
Pierre-A. Sicart : 25Ȼ
Cathy Coopman : La Dogwalkeuse
Michael Espinosa : Les Invisibles
Rémy Guyard : Parce que la nuit…