New York. Les tensions récentes entre le maire de la plus grande ville des États-Unis et sa police ont révélé le rôle majeur de William Bratton, le chef des 50 000 policiers locaux. Portrait d’un “superflic” passé par Boston et Los Angeles.
William Bratton sait que le dialogue peut parfois sauver des vies. Il en a fait l’expérience, au péril de la sienne. En 1976, alors jeune policier à Boston, il doit intervenir dans un quartier à la suite d’un cambriolage. La situation est très tendue. Un homme fait face à une foule agitée en braquant une arme à feu sur la tête d’une femme. Bratton se fraie un chemin vers le forcené. Il dégaine son arme et commence à parler, puis rengaine son revolver et convainc son interlocuteur d’en faire autant. C’est gagné. Bratton devient un héros.
Ce Boston dangereux des années 1970 est aujourd’hui loin pour le “premier flic” d’une ville qui compte près de 50 000 policiers. Nommé à leur tête en janvier 2014, “Bill” Bratton, 67 ans, est resté un démineur de conflits. De son bureau au 14e étage d’un bâtiment ultra-sécurisé de Manhattan, il gère en ce moment le plus grand défi depuis son entrée en fonction : réconcilier le maire, Bill de Blasio, et le puissant NYPD (New York City Police Department).
Le conflit remonte au meurtre de deux policiers par un déséquilibré, le 20 décembre, à Brooklyn. En colère, le chef du principal syndicat de la police avait publiquement accusé le maire d’avoir du « sang sur les mains ». Certains propos de Bill de Blasio, après la mort d’un Noir lors d’une interpellation musclée, auraient favorisé un climat hostile aux policiers. La crise de confiance a été révélée au grand jour le 27 décembre, dans une église bondée du Queens, lors des funérailles de Rafael Ramos, l’un des deux agents tués : des dizaines de policiers avaient ostensiblement tourné le dos à Bill de Blasio pendant son discours. Malgré les appels au calme et à la décence de Bratton, certains ont recommencé pour les funérailles du second agent. « Devenu conciliateur entre le maire qui l’a nommé et cette énorme force de police, Bill Bratton est pris entre le marteau et l’enclume », résume Sébastien Frémont, commandant de sapeurs-pompiers français, par ailleurs spécialiste du NYPD.
À New York (8,4 millions d’habitants), métropole marquée par des décennies de criminalité et les attentats du 11 Septembre, le lien entre le maire et son chef de la police est « vital » pour la sécurité générale, ajoute John DeCarlo, ancien policier devenu enseignant à l’université de la Ville de New York. Rien ne prédisposait les deux Bill — de Blasio et Bratton — à s’entendre. Le premier, résolument progressiste, voire gauchiste par certaines de ses prises de position, proche des Clinton, a fait carrière dans l’establishment politique new-yorkais. Il s’était fait élire à la Mairie en dénonçant notamment les contrôles au faciès abusifs (“stop and frisk”) pratiqués par le NYPD sous son prédécesseur, Michael Bloomberg