« American Ground. Déconstruire le World Trade Center », de William Langewiesche : des hommes et des machines
LE MONDE DES LIVRES | 22.09.2011 à 16h29 | Par Amaury da Cunha
Autopsie d’un crime, archéologie du présent ? Difficile de qualifier l’incroyable projet de William Langewiesche.
Alors qu’à nouveau les images de l’effondrement des tours ont été diffusées en boucle, dix ans après l’événement, la lecture d’American Ground est salutaire : elle réveille, stimule, réjouit. Dans ces pages, vous n’entendrez aucun chant de deuil, mais le bruit incessant des machines et des hommes engagés dans une action commune : déblayer Ground Zero.
Rien n’échappe au regard de William Langewiesche. Car pour lui, le meilleur comme le pire doit être raconté. Dans une écriture froide comme de l’acier qui privilégie la description plutôt que le commentaire émotionnel, Langewiesche balaie le site de fond en comble. Il relève ses dysfonctionnements internes (tensions, pillages, querelles de territoires), mais il montre aussi des magnifiques exemples de fraternité.
Comme une caméra posée sur un trépied, l’écriture de Langewiesche donne à voir et à entendre. Ce sont, par exemple, les mots crus d’un médecin légiste, écouté au milieu des décombres, et que l’on n’oubliera pas : « Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a une différence entre la cause de la mort, le mécanisme de la mort et le type de mort ».
A travers les nombreux portraits qu’il a pris sur le vif et ses descriptions épiques du travail des machines, Langewiesche confirme à chaque instant son art de savoir restituer la vie. Elle grouille encore dans un décor macabre.
Et American Ground laisse entendre que le plus bel acte de résistance aux attaques terroristes s’est sans doute joué dans le démantèlement du site.
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AMERICAN GROUND. DÉCONSTRUIRE LE WORLD TRADE CENTER de William Langewiesche. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Thierry Gillyboeuf. Ed. du Sous-Sol, 224 p., 17 €.
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